et le désastre, mon amour
Et le désastre, mon amour est un projet à deux voix. Il propose un dialogue entre deux médiums, la photographie et la poésie, et deux thématiques, le désastre et l’amour. Au départ de ce projet, les deux artistes ont voulu provoquer une rencontre entre deux réalités tout aussi quotidiennes qu’opposées : l’état de notre planète dont la dérive écologique, idéologique et sociale nous plonge dans un sentiment de la fin (de la société, d’un monde ou du monde) et le ravissement d’un amour. La quête toute individuelle d’un bonheur avec un être aimé prend inévitablement place au sein d’un destin collectif sans en subir le même sort : les artistes ont interrogé ces deux conditions qui nous habitent autant l’une que l’autre. Inévitable dialogue ou inéluctable rupture ?
Ce déchirement entre une intimité heureuse et l’état pitoyable du monde, d’autres créateurs avant nous l’ont exploré, dont ceux d’Hiroshima, mon amour, auquel il est ici fait écho. Telle cette œuvre cinématographique marquée par son époque de Seconde Guerre mondiale, notre réflexion ne se détache pas d’une actualité de début de troisième millénaire.
Tant œuvre d’un duo qu’exploration d’une dualité, et le désastre, mon amour fait voir un regard d’homme et entendre une parole de femme. Ce projet a été initié au même moment par les deux artistes : ni la poésie ni la photographie n’a précédé l’autre dans la création.
Les photographies prennent la forme de diptyques, proposant leur propre dialogue. Elles sont imprimées sur une surface de verre et posées sur un fond blanc dont la distance provoque un jeu d’ombre. Dans une tension constante, les diptyques présentent une ville en dégradation au-dessus d’images plus petites dévoilant la présence furtive d’une femme.
Les images de la ville sont imprimées en négatif sur cette face verre qui rappelle les premières oeuvres de l’histoire de la photographie. Dans une sorte de paradoxe iconographique, ces négatifs qui figurent le début photographique évoquent une architecture froide et crue d’un lieu en décomposition, métaphore de la fin. Par opposition, les images inférieures du diptyque, qui témoignent de la quête tout intime d’un amour, sont créées avec un téléphone cellulaire, et sont pixellisées, comme si elles étaient en processus d’effacement, envahies par le flou de leur propre abstraction technologique.
Les textes poétiques qui accompagnent les photographies sont portés par le ton narratif d’une voix féminine qui s’adresse à un homme qui n’apparaît jamais. La parole nous fait suivre l’élan d’un désir au milieu d’un délabrement environnemental. Le hors champ que nous offrent ces mots rappelle que nous n’aurons jamais tout vu de ce qui nous arrive, que nous vivons dans et à travers l’image du monde.
L’exposition comprend une vingtaine de photographies qui sont accompagnées d’une bande sonore composée des fragments poétiques.